SEXSI : les nouveautés du centre de documentation

Le centre de documentation
et le catalogue SEXSI

Le centre de documentation de l’Observatoire du sida et des sexualités est spécialisé dans la prévention du VIH/IST et plus largement, les questions de santé, de sexualité et de genres, de races et de migration. Cette documentation est mise à disposition des professionnel·les de terrain et scientifiques du domaine de la promotion de la santé à travers un espace de consultation, situé dans les locaux de l’Université libre de Bruxelles.
Les ouvrages disponibles au centre de documentation sont répertoriés dans le catalogue SEXSI.

Centre de documentation de l’Observatoire du sida et des sexualités

ULB – Campus du Solbosch
Avenue Antoine Depage, 30
1000 Bruxelles
Bâtiment D
9ème étage
Bureau DC9 206
E-mail : observatoire-sidasexualites@ulb.be
Tél : +32 2 650 30 55

Nouveautés (août-septembre 2021)

Théoriser en féministe

Anaïs Choulet-Vallet, Pauline Clochec, Delphine Frasch, Margot Giacinti et Léa Védie (2021) Théoriser en féministe, Paris : Hermann.

Il est indéniable que les féministes théorisent, et que leurs théorisations participent à transformer le monde. Mais peut-on – et doit-on – qualifier cette activité théorique ? Bien que les théories féministes partagent une visée politique émancipatrice, chercher à définir ce que signifie théoriser en féministe, c’est prendre le risque de masquer la pluralité des situations et des concepts. Dès lors, comment prendre en charge la diversité des contextes qui se trouvent derrière les connaissances ? Ne doit-on pas interroger ce que cette question – à la portée pourtant éminemment épistémologique – révèle des frontières du féminisme lui-même ? Comment aborder un phénomène qui est tout à la fois un engagement, une identité, une revendication, un outil ? Le féminisme se décline au pluriel et se trouve dans une tension permanente, parce qu’il se confronte à des conflits qu’on préfère généralement ignorer, parce qu’il est sujet à des interprétations multiples et, partant, parce qu’il s’élabore par mouvements successifs quoique continus. Suffit-il alors de se revendiquer du féminisme, entendu comme identité politique aussi bien que comme outil scientifique, pour produire un mouvement ou une théorie féministes ? Théoriser en féministe, c’est non seulement déclarer son appartenance à une communauté, mais c’est aussi chercher une forme de radicalité pour lutter contre la violence du système, qu’il soit social, politique ou philosophique.

Le Syndrome du bien-être

André Spicer et Carl Cederström (2016) Le Syndrome du bien-être, Le Kremlin Bicêtre : L’échappée.

Vous êtes accro à la salle de sport ? Vous ne comptez plus les moutons mais vos calories pour vous endormir ? Vous vous sentez coupable de ne pas être suffisamment heureux, et ce malgré tous vos efforts ? Alors vous souffrez sûrement du syndrome du bien-être. Tel est le diagnostic établi par Carl Cederström et André Spicer. Ils montrent dans ce livre comment la recherche du bien-être optimal, loin de produire les effets bénéfiques vantés tous azimuts, provoque un sentiment de mal-être et participe du repli sur soi. Ils analysent de multiples cas symptomatiques, comme ceux des fanatiques de la santé en quête du régime alimentaire idéal, des employés qui débutent leur journée par un footing ou par une séance de fitness, des adeptes du quantified self qui mesurent – gadgets et applis à l’appui – chacun de leurs faits et gestes, y compris les plus intimes… Dans ce monde inquiétant, la bonne santé devient un impératif moral, le désir de transformation de soi remplace la volonté de changement social, la culpabilisation des récalcitrants est un des grands axes des politiques publiques, et la pensée positive empêche tout véritable discours critique d’exister.

La Série Bukavu: Vers une décolonisation de la recherche

Aymar Nyenyezi, Aymar Nyenyezi Bisoka, An Ansoms, Koen Vlassenroot, Emery Mudinga et Godefroid Muzalia (2020) La Série Bukavu: Vers une décolonisation de la recherche, Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de Louvain.

Elles et ils sont universitaires, qualifiés, expérimentés, motivés. Inlassablement, ils collectent sur le terrain d’inestimables données, dans des conditions jamais faciles et parfois très risquées, par exemple dans des zones de conflit armé. Et pourtant, leurs voix sont inaudibles, leurs visages invisibles, leurs noms inexistants dans les publications de recherche. Ce sont les « assistants de recherche du Sud », ceux sur qui s’élabore un véritable business du savoir scientifique. Ils sont tenus à l’écart de la conception des projets, des modalités de leur financement et des résultats de recherche qui se publient loin d’eux, dans des revues auxquelles le plus souvent ils n’ont même pas accès. En raison d’une certaine omerta sur leurs conditions de travail, rapports de pouvoir, difficultés financières, traumatismes psychologiques, vulnérabilité liée au genre. À cause, aussi, d’une vision de la recherche qui reste tributaire d’une mentalité coloniale, dans le chef des chercheurs et des commanditaires : institutions, universités, fondations, gouvernements, ONG. La « Série Bukavu » est un blog vivant, animé par ces voix silencieuses, ces visages qui sortent de l’ombre mais aussi par leurs partenaires du Nord et du Sud, pour nous montrer une mosaïque de recherche de terrain, entre humour et réalisme. Ce livre en offre un instantané exceptionnel, pour susciter un large débat et pour aboutir à des réformes concrètes. Vers une décolonisation de la recherche ?

Punir – Une passion contemporaine. Suivi de A l’épreuve de la pandémie

Didier fassin (2020) Punir – Une passion contemporaine. Suivi de A l’épreuve de la pandémie, Paris : Points.

Au cours des dernières décennies, la plupart des sociétés se sont faites plus répressives, leurs lois plus dures, leurs juges plus inflexibles – et ceci sans lien avec l’évolution de la délinquance et de la criminalité. Didier Fassin s’efforce ici de saisir les enjeux de ce moment punitif. Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? Analysant des contextes historiques et nationaux variés, il montre que la réponse aux infractions n’a pas toujours été associée à l’infliction d’une souffrance, qu’elle ne procède pas seulement des logiques rationnelles servant à la justifier et que la plus grande sévérité des peines accroît les inégalités. Son enquête propose une salutaire révision des présupposés qui nourrissent la passion de punir et invite à repenser la place du châtiment dans le monde contemporain.

Les corps vils : expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles

Grégoire Chamayou (2008) Les corps vils : expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris : La Découverte.

Écoutez Diderot justifier la vivisection des condamnés à mort, devenus inhumains par leur déchéance civique. Écoutez Pasteur demander à l’empereur du Brésil des corps de détenus pour expérimenter de dangereux remèdes. Écoutez Koch préconiser l’internement des indigènes auxquels il administrait des injections d’arsenic. Paralytiques, orphelins, bagnards, prostituées, esclaves, colonisés, fous, détenus, internés, condamnés à mort, tels sont les « corps vils » qui ont servi de matériau expérimental à la science médicale moderne. Ce livre raconte cette histoire occultée par les historiens des sciences. Qui supporte en premier lieu les périls de l’innovation ? Qui en récolte les bénéfices ? À partir de la question centrale de l’allocation sociale des risques, l’auteur interroge le lien étroit qui s’est établi, dans une logique de sacrifice des plus vulnérables, entre la pratique scientifique moderne, le racisme, le mépris de classe et la dévalorisation de vies qui ne vaudraient pas la peine d’être vécues. Comment, en même temps que se formait la rationalité scientifique, a pu se développer ce qu’il faut bien appeler des « rationalités abominables », chargées de justifier l’injustifiable ? Cette étude historique des technologies d’avilissement appelle ainsi à la constitution d’une philosophie politique de la pratique scientifique.

Pandémopolitique : réinventer la santé en commun

Jean-Paul Gaudillière (2021) Pandémopolitique : réinventer la santé en commun, Paris : La Découverte.

« Nous n’avons pas eu à effectuer le terrible tri des malades » a-t-on pu entendre au printemps 2020. Mais en est-on si sûrs ? Loin d’être un geste extraordinaire, le triage fait en réalité partie intégrante des champs de la médecine et de la santé. Seulement, la crise du SARS-CoV-2 a montré que le triage clinique n’était qu’une des dimensions et conséquences d’un triage systémique façonné par les politiques néolibérales et une technocratie sanitaire qui a, de longue date, négligé la santé publique. L’essentiel n’est donc pas tant de savoir si nous trions ou pas que de choisir collectivement les modalités du triage et de définir démocratiquement les priorités de notre système de santé. Des expériences alternatives se rappellent à nous et dessinent des horizons différents, du renouveau de la santé communautaire aux potentialités des communs, en passant par l’émergence d’un triage écologique. La pandémie ouvre une brèche politique pour penser un autre triage, réinventer notre santé selon d’autres priorités : sociales, écologiques, démocratiques. La crise du SARS-CoV-2 est en cela bien plus qu’une crise sanitaire. Elle est un événement pandémopolitique.

Encyclopédie critique du genre

Juliette Rennes (2021) Encyclopédie critique du genre. Edition revue et augmentée, Paris : La Découverte.

« Capital », « Désir(s) », « Nudité », « Race », « Tribunal », « Voix »… Les soixante-quatorze textes thématiques de cette encyclopédie explorent les reconfigurations en cours des études de genre. Trois axes transversaux organisent cette enquête collective : le corps, la sexualité, les rapports sociaux. Dans les activités familiales, sportives, professionnelles, artistiques ou religieuses, les usages du corps constituent désormais un terrain privilégié pour appréhender les normes et les rapports de genre. Les pratiques érotiques que les sociétés, à travers l’histoire, ont catégorisées comme normales ou déviantes occupent quant à elles une place inédite pour éclairer les articulations entre hiérarchies des sexes et des sexualités. Enfin, les inégalités de genre sont de plus en plus envisagées en relation avec celles liées à la classe sociale, la couleur de peau, l’apparence physique, la santé ou encore l’âge. Cette approche multidimensionnelle des rapports sociaux a transformé radicalement les manières de penser la domination au sein des recherches sur le genre. En analysant concepts, débats et enquêtes empiriques, les contributrices et contributeurs de cet ouvrage dessinent une cartographie critique des études de genre qui rend compte de leur remarquable vitalité.

Nous qui versons la vie goutte à goutte : féminismes, économie reproductive et pouvoir colonial à La Réunion

Myriam Paris (2020) Nous qui versons la vie goutte à goutte : féminismes, économie reproductive et pouvoir colonial à La Réunion, Paris : Dalloz.

Celles qui parlent ici, qui disent « nous », ce sont les membres de l´Union des femmes réunionnaises, à l´occasion d´un meeting pour la fête des mères de 1952 – une photo plus ancienne de 1948, reproduite dans le livre, permet de les imaginer : elles sont nombreuses, chapeautées pour la plupart, élégantes, habillées de toilettes claires, accompagnées de leurs enfants. C´est cette émanation locale de l´Union des femmes françaises, elle-même association satellite du PCF, née dans l´immédiat après seconde guerre mondiale, puis devenue indépendante au tournant des années 1950, qui constitue le coeur de l´ouvrage de Myriam Paris. Ce que réclament ces femmes, alors que La Réunion a accédé au statut de département, ce sont les mêmes droits pour elles et pour leurs enfants que ceux que les mères ont obtenus en France, lorsque s´est mis en place en contrepartie de l´effort de guerre un État Providence. En cela, le livre contribue à l´histoire du féminisme dans une période classiquement désignée dans l´historiographie comme celle du « creux de la vague », jusqu´au renouveau des mobilisations dans les années 1960 et 1970 (la fameuse « deuxième vague »), mais il contribue aussi à le décentrer en portant l´attention vers les colonies françaises.

Lesbiennes de l’immigration : construction de soi et relations familiales

Salima Amari (2018) Lesbiennes de l’immigration : construction de soi et relations familiales, Vulaines sur Seine : Éditions du Croquant.

Ce livre, issu d’une thèse, traite de la question du lesbianisme dans un contexte migratoire et post-migratoire en France. Comment les rapports sociaux de sexe, de race, et de classe influencent-ils la construction sociale du lesbianisme ? Quel est le processus par lequel ces femmes construisent des parcours lesbiens dans un contexte migratoire et post-migratoire ? Pour l’auteure, ces lesbiennes agissent sur deux fronts : ce qui relève de la construction de soi d’une part et ce qui concerne la gestion de leurs relations familiales qu’elles tentent souvent de préserver, d’autre part. Interroger scientifiquement les questions de genre et de sexualité n’est pas sans conséquences sur les débats politiques. Lorsque ces interrogations concernent le groupe social des « immigrés musulmans », la vigilance intellectuelle doit être renforcée. En effet, il est indispensable de garder un regard socio-historique critique sur les différentes catégorisations en matière de genre et de sexualité. Il ne doit être ni culturaliste, ni ethnocentré, ni androcentré. Au terme de son travail de recherche, l’auteure conclut face aux contraintes socio- familiales hétéronormatives, de nombreuses lesbiennes maghrébines migrantes et d’ascendance maghrébine privilégient les loyautés filiales et familiales tout en continuant à vivre leurs vies affectives et sexuelles lesbiennes. Comment les lesbiennes maghrébines migrantes et d’ascendance maghrébine se saisissent-elles de ces « nouvelles problématiques » en France ?

Théorie critique de l’histoire. Identités, expériences, politiques

Les discriminations fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle Scott Joan W. (2009) Théorie critique de l’histoire. Identités, expériences, politiques, Paris : Fayard.

Comment les individus sont-ils fabriqués comme différents les uns des autres ? Quelles sont les opérations à l’œuvre dans la construction des identités de « classe », de « genre », de « race » ou « sexuelles » ? Dans les trois essais qui composent ce livre, considérés comme des références majeures de la réflexion contemporaine, Joan Scott s’interroge sur la production des catégories et des identités, et sur leur articulation. Elle discute la manière dont les grands historiens marxistes définissaient la notion de « classe » en faisant l’impasse sur le genre ou la race. Elle insiste également sur le fait que l’analyse des identités doit se concentrer sur les discontinuités, sur la transformation des catégories. C’est tout l’édifice classique de l’Histoire qui se trouve ainsi ébranlé. Joan Scott propose de renouveler la pratique historique en la mettant au contact des instruments les plus radicaux issus de la psychanalyse, des études postcoloniales, des travaux sur le genre et la sexualité ou encore des œuvres de Foucault ou Derrida. Contre la tendance actuelle à promouvoir un type de travail centré sur les « faits » et se réclamant des valeurs d’impartialité et de neutralité, elle appelle à une Histoire résolument théorique et politique – c’est-à-dire critique.

Une guerre mondiale contre les femmes Des chasses aux sorcières au féminicide

Silvia Federici (2021) Une guerre mondiale contre les femmes Des chasses aux sorcières au féminicide, Paris : La fabrique éditions.

La violence sexiste est plus que jamais sous les projecteurs. Pour Silvia Federici, ces meurtres, tortures et viols ne sont ni des accidents de l’histoire ni le reflet d’un patriarcat millénaire. À la fin du Moyen Âge, la condamnation pour sorcellerie devient la pièce maîtresse d’un dispositif de répression contre les femmes mis en place par l’État, l’Église et les puissances économiques. Des instruments de torture comme la « bride à mégères » à la dévalorisation systématique des savoir-faire ancestraux rattachés aux femmes, tous les moyens sont bons pour contenir la menace contre l’ordre capitaliste naissant qu’elles incarnent. Prolongeant ses analyses à la mondialisation néolibérale actuelle, en s’appuyant notamment sur l’exemple de la privatisation des terres en Afrique, Federici montre que la vague de violence à laquelle nous assistons aujourd’hui met en jeu des mécanismes très similaires. Par cette brève histoire de la violence sexiste de la grande chasse aux sorcières européenne jusqu’à nos jours, elle nous raconte aussi un « pouvoir des femmes » sans cesse réinventé par de nouvelles pratiques, de nouveaux savoirs et de nouvelles solidarités.